Nous avons visité la Cité mécanique avec les développeurs
Elloa et moi-même avons eu l'occasion de sonder les rouages les plus secrets de la Cité mécanique en compagnie des développeurs Jeremy Sera et Leamon Tuttle. Si les mystères qui entourent la conception du DLC vous intriguent, les lignes qui suivent devraient vous intéresser...
Il y a quelques jours, Zenimax nous a proposé une visite guidée de Clockwork City, le tout dernier DLC de The Elder Scrolls Online, sorti cette semaine. Elloa, dont vous pouvez retrouver les vidéos sur YouTube et que vous pouvez également suivre sur Twitch, a accepté de m’accompagner pour cette balade qui a duré plus d’une heure.
Nous avons donc rencontré Jeremy Sera, designer de contenu en chef, et Leamon Tuttle, concepteur senior à l’écriture, dans une cité grinçante, et entourés de factotums à la voix synthétique, affairés à resserrer les dernier écrous du PTS avant l’ouverture de la dimension mécanique le 23 octobre sur PC et le 7 novembre sur consoles.
Plume et papier en main – un matériel qui semblait ici bien archaïque – nous avons suivi l’avatar coiffé d’une casserole qu’empruntait Jeremy Sera alors qu’il nous rappelait les principaux ajouts du DLC et nous en présentait certains. Une nouvelle zone bien sûr, avoisinant la taille de la Côte d’or ; une quête principale de la durée de ce que l’on pouvait trouver dans Thieves Guild ; des quêtes journalières ; une petite Épreuve ; un nouveau mode de jeu disponible sur tous les Champs de bataille pour les possesseurs de Morrowind ; et le très attendu système de transmutation.
Mais il faut savoir que ce DLC n’apporte pas seulement du nouveau contenu, il améliore aussi le jeu sur certains aspects. Les performances devraient ainsi être augmentées grâce une meilleure priorisation de ce qui est chargé lorsque le joueur arrive dans une zone. Les animations bénéficient également d’une nouvelle gestion de leur mémoire. Tout cela devrait améliorer le framerate ainsi que les temps de chargement.
Alors que nous progressions dans la ville et que nous croisions ses singuliers habitants au fil des échoppes et des ateliers d’artisanat, le designer de contenu nous parlait des origines de ce plan qui s’étendait plus loin encore que les lieux sur lesquels nos yeux pouvaient se poser. "Une petite part de la tarte", comme il nous disait. Car non seulement la ville, comme un arbre de métal, étendait ses racines dans les profondeurs du sol que nous foulions, mais plus loin encore, aussi loin qu’allait la vision de Sotha Sil lorsqu’il décida de s’inspirer de la technologie des Dwemer pour façonner une image perfectionnée de Nirn.
Puis comme les êtres de chair se faisaient plus rares et qu’un de ces androïdes froids loupa de peu de nous bousculer, Jeremy Sera a jugé bon de nous aviser de leur cas. « Ce sont des robots que Sotha Sil a créés. Chacun d’eux à une tâche très précise dans la Cité mécanique. Vous en trouverez certains pacifiques, mais d’autres vous seront hostiles. Cela dépend de la manière dont ils jugent si vous appartenez ou non à l’environnement. » Tout était si bien organisé, et la place de chacun était si précise, qu’une des premières choses sera d’abord de se faire accepter dans la Cité.
Traversant un grand pont, nous avons aperçu la basilique de la Forteresse d'airain. Elle se dressait sur la ville comme une gigantesque horloge dont chacun des mouvements aurait déplacé les lignes, rappel géométrique des formes exceptionnelles qui nous faisaient face. « Les artistes ont donné de leur personne pour dépeindre un environnement inspiré du steampunk, de la science-fiction. », a commenté Jeremy Sera. « Vvardenfell était une terre aux allures aliènes. Mais là, c’est encore un pas plus loin. » J’ai demandé alors quels avaient été les inspirations des développeurs, s’ils avaient regardé des films, d’autres œuvres. « Oui, absolument, il y a eu beaucoup de recherche. Un des artistes de conceptualisation est un grand amateur de voitures, par exemple. Beaucoup de ses inspirations viennent directement des pièces détachées et des moteurs. Il a passé beaucoup de temps sur la façon dont chacune des pièces fonctionne, sur leurs diverses fonctions. Nous nous posons également la question d’un point de vue fictionnel ; quelle est la place et la fonction de chaque élément. Par exemple, un des aspects qui revient plusieurs fois dans l’histoire est celui de la nourriture. Comment des êtres qui ont besoin de manger survivent sur une terre où poussent des arbres métalliques ? »
Elloa est alors intervenue pour faire remarquer qu’un des artistes qui contribue énormément à l’ambiance du DLC était le compositeur Brad Derrick dont la musique étrange se marie à merveille avec les différents lieux. « Il a travaillé très dur. », a acquiescé Jeremy Sera. « C’est une des choses intéressante que nous faisons durant le développement : nous créons toutes ces choses – la bande-son, les textes – et il peut parfois se passer des mois avant que nous y affilions les assets. Pendant longtemps, nous ne voyons pas à quoi le résultat ressemblera. »
Nous avons ensuite avancé dans les intérieurs des bâtiments de la Forteresse d'airain où tout autour de nous, d’étonnantes bibliothèques faisaient glisser de haut en bas des plaques de métal gravées de titres que nous pouvions difficilement interpréter. Des ascenseurs gravissant à l’aide d’un roulement, des rails verticaux qui disparaissaient dans le plafond ou plongeaient sous le sol, créaient par leur mouvement de furtifs reflets sur les objets métalliques dont les fonctions ne nous étaient pas connues. « Nous avons écrit beaucoup de livres. », nous a dit le développeur. « Un des grands défis en créant cette zone, c’est qu’il y avait très peu de choses écrites à son propos. Il y avait beaucoup de petits détails, mais rien de réellement concret. C’était donc une grande opportunité de pouvoir développer le lore dans la direction que nous, en tant que Zenimax, voulions, en travaillant étroitement avec Bethesda Game Studios. C’était une occasion sensationnelle. »
Elloa a expliqué avoir été saisie par l’histoire et le mystère qui plane sur les intrigues entourant la Cité mécanique. Quand bien même Orsinium et le Roi Kurog restaient pour elle un des grands moments du jeu, l’histoire de Sotha Sil et de sa cité était peut-être en train de devenir sa préférée, avec son ambiance énigmatique, à l’image des corbeaux qui survolaient les lieux. « Une des choses anormales avec ces corbeaux, c’est qu’il n’y avait absolument jamais eu d’oiseau dans la Cité mécanique. », nous a alors informés Jeremy Sera. « Leur présence démontre qu’il y a des influences daedriques à l’œuvre. Et comme vous l’avez peut-être remarqué, il s’agit de la deuxième partie d’une intrigue plus globale qui avait été évoquée avec Orsinium et qui a vraiment commencé avec Morrowind. » J’ai demandé alors si cette grande intrigue continuera dans les prochains contenus. Il m’a répondu que oui, et que nous pourrons constater que la fin de l’histoire de Clockwork City appelle une suite. Il a expliqué également qu’ils ont décidé qu’il était mieux de jongler avec du contenu parfois plus local qui venait entrecouper des enjeux plus globaux concernant, par exemple, les Daedra. Les enjeux locaux peuvent également faire office de "pause" afin que les joueurs n’aient pas l’impression de combattre des forces démesurées en permanence.
Nous avons pu remarquer, alors que nous progressions dans le dédale à trois dimensions des ruelles dessinées par les grands bâtiments, que l’esthétique générale semblait beaucoup moins sortie de nulle part que celle de l’occurrence de la Cité de l’Horloge dans l’extension de TESIII:Morrowind, Tribunal. Les développeurs nous ont expliqué qu’ils avaient en effet veillé à ce que ce contenu s’intègre au mieux dans l’univers du jeu. À cette fin, ils ont créé énormément de nouveaux assets, mais également beaucoup de nouvelles animations. À vrai dire, il s’agit de la ville la plus animée du jeu.
Mais alors que depuis quelques mètres, les palpitations de la ville semblaient être restées en retrait dans une sorte de bourdonnement dans notre dos, nous sommes arrivés devant des portes que tout le monde évitait. Et comme la curiosité triomphe souvent, nous sommes entrés dans l’Asile Sanctuaire. Nous avons d’abord été saisis par la vue, à couper le souffle depuis les larges passerelles surmontant le vide, puis très vite, c’est le grand dragon-robot qui nous a saisis. D’abord au sens figuré, mais ensuite de manière plus littérale, puisque nous nous sommes jetés sur lui dès qu’il se fut posé. Il s’agissait de Saint Olms, dont l’esprit avait été enfermé par Sotha Sil dans une machine prenant la forme d’un dragon mécanique. Il est important ici d’insister sur le terme "dragon", car Sotha Sil s’est bel et bien inspiré des mythiques créatures pour son expérience ratée, et non pas des Daedra prenant une forme qui y ressemble et que les joueurs ont sans doute déjà rencontré.
Alors que le colosse de fer nous projetait avec une facilité déconcertante contre les pylônes soutenant les passerelles, les développeurs nous ont expliqué qu’un des défis de cette Épreuve avait été de rendre chaque type de combat fun. En effet, puisque les joueurs peuvent décider d’affronter le boss seul, ou avec un ou deux autres Saints, il fallait trouver un moyen de rendre chacune de ces possibilités intéressantes.
Nous nous sommes justement rendus vers les deux autres Saints et tandis que les cris grinçants du dragon derrière nous faisaient vibrer la structure d’airain, Elloa a fait part de son émerveillement devant ces décors qui, encore une fois, parvenaient à la surprendre et qui ressemblaient par certains aspects aux dessins de l’illustrateur belge François Schuiten. « Ça a été vraiment agréable pour nous de nous plonger dans un genre qui est en même temps pas complétement différent du reste du jeu, mais qui n’est pas tout à fait le même non plus. », nous a fait part Jeremy Sera. « Nous faisons également toujours attention, quand nous créons une région, d’y intégrer plus d’un biome. Nous évitons ainsi la sensation qu’il y a trop d’une seule chose. C’est une leçon que nous avons apprise d’Alik’r ou de Havreglace. Pour Havreglace, nous entendions souvent que c’était trop bleu en permanence. C’est donc un aspect sur lequel nous avons travaillé pour être sûr qu’il y ait toujours d’autres zones qui permettent de ne pas ressentir ceci. »
J’ai ensuite fait part à Leamon Tuttle, le concepteur senior à l’écriture, de mon amour pour le lore et les textes et livres en jeu. Celui-ci a élaboré autour de cet aspect de son métier : « C’est une des facettes excitantes de ce boulot, spécialement avec un lore tel que celui-ci. Les gens le prennent très au sérieux. Je vais visiter le Reddit r/teslore chaque jour, les Tumblr... [NDLR : r/teslore est un subreddit, une sorte de forum, connu pour héberger des discussions et théories sur l’univers des Elder Scrolls] Les gens qui sont dessus ne prennent pas le lore à la légère. » Je lui ai ensuite demandé comment avait été gérées les attentes autours du personnage de Sotha Sil, que tout le monde connait mais que personne n’avait rencontré jusque-là. « C’est très excitant, parce qu’il y a énormément de théories à son sujet. Il y a beaucoup d’idées qui ont été formulées depuis l’extension Tribunal. De se plonger là-dedans pour essayer d’en ressortir le cœur du personnage après tout ce temps, c’est quelque chose que j’adore. » J’ai continué en lui demandant s’il avait pris certaines idées directement de r/teslore ou de Tumblr. « Oui, absolument. Les gens là-dessus sont vraiment passionnés par le lore. Il s’agit d’une incroyable ressource. Il y a des idées vraiment bonnes. »
Nous avons ensuite pris nos montures pour nous rendre jusqu’à l'Observatoire Antérieur, la nouvelle maison de housing. Sur la route qui serpentait sous un ciel comme nous n’en avions jamais vu, portant loin au-dessus des minuscules points que nous étions des bagues et des mécanismes de la taille d’un monde, Elloa a demandé combien la création d’un tel DLC avait pris de temps. « Ça dépend de la manière dont on compte. Il y a plusieurs phases. », lui a répondu Jeremy Sera. « Un an, peut-être. Nous nous sommes concertés, Rich Lambert, Lawrence Schick, Leamon Tuttle et moi-même, sur l’histoire globale que nous voulions raconter, il y a de cela environ une année. Il y a neuf mois, nous avions une idée plus concrète de ce à quoi cela allait ressembler, et nous avons rassemblé l’équipe il y a environ six mois. »
Nous sommes finalement arrivés devant l’observatoire, et s’il y a une chose à dire, c’est que de l’extérieur, il parait monumental, presque écrasant. Nous avons pris l’élévateur qui nous a tirés le long de son immense façade ciselée dans le même style architectural que celui du reste de la Cité mécanique. D’en-haut, nous nous sommes d’abord retournés, et devant nous s’est étendue toute la surface non-urbaine de la région, et encore ce ciel qui n’avait de cesse de nous rappeler notre petitesse dans ce plan.
Nous avons traversé l’intérieur, son mobilier tout de métal, et nous sommes arrivés sous le dôme mouvant. Là, nous nous sommes arrêtés, et tandis que les mécanismes circulaires nous tournaient autours et imitaient les cieux, nous n’avons plus fait que discuter. J’ai demandé aux développeurs quelle était la chose que chacun d’eux préférait dans le DLC. Jeremy sera a répondu le premier : « C’est un peu idiot, mais il y a un moment durant les quêtes où nous prenons le contrôle d’une souris mécanique. J’ai adoré être cette souris, pouvoir me faufiler partout, passer par les tuyaux. C’était vraiment bien. » Leamon Tuttle est alors intervenu. « Pour vous dire, à chaque fois qu’on allait sur le PTS pour faire des tests, il était là : "Je veux être la souris !". » Le concepteur senior à l’écriture a continué avec sa réponse : « Je ne pense pas que cela va vous surprendre, mais pour moi c’est tout le narratif, l’histoire. Plus précisément, la dernière conversation qu’on a avec Sotha Sil m’a beaucoup marquée. Le voir ainsi, après tout ce qui a été fait, l’entendre parler à travers la voix de l’acteur, ça signifiait beaucoup pour moi, personnellement. »
Nous avons parlé encore un peu, et puis nous nous sommes dit au revoir. Et alors que dans quelques jours, la complexe dimension du dieu-architecte s’ouvrirait à Tamriel, pour le moment, il y régnait un silence que seules la musique des milliers d’instruments et la mélodie que produisaient les grandes roues venaient emplir.
Sur le même sujet :
662 joliens y jouent, 1029 y ont joué.
-
19 novembre 2024
-
19 novembre 2024
-
18 novembre 2024
-
31 octobre 2024
-
31 octobre 2024
Réactions (5)
Afficher sur le forumPas de compte JeuxOnLine ?
Créer un compte